![]() |
Frans de Waal démonte scientifiquement le mythe d'un homme qui serait par nature égoïste, guerrier et destructeur (photo de José Alfonso pour ABC). |
partagée du monde. Et mon opinion est qu’une alimentation végétale est le plus simple moyen d’activer ce mécanisme chez les grands singes que nous sommes.
Nous, végétariens ou
véganes, sommes-nous doués de plus d’empathie que les mangeurs de viande ?
Au contraire, l’empathie est-elle une caractéristique universellement partagée,
mais que chacun exerce dans des domaines différents ? Ou encore, comme
l’écrivent des philosophes pessimistes depuis des siècles, l’homme est-il de toute façon un loup pour l’homme (un aphorisme questionnable
sur notre espèce basé sur l’image totalement erronée d’une autre) ?
Si vous vous
intéressez tout comme moi à ces questions, l’œuvre du primatologue Frans de
Waal, dont je termine la lecture de L’Age de l’Empathie (2010), vous ouvrira de
nouveaux horizons. Pour ce chercheur
hollandais vivant aux Etats-Unis et spécialiste des chimpanzés, l’empathie est
« caractéristique de tous les mammifères et découle des soins
maternels ». Dans cette pyramide, comme dans beaucoup d’autres,
l’homme occupe une place privilégiée.
« Nous sommes,
écrit-il, programmés pour tendre la main.
L’empathie est une réponse automatique sur laquelle nous disposons d’un
contrôle limité. Nous pouvons la réprimer, la bloquer mentalement, lutter
contre elle, mais à part un petit pourcentage de personnes (appelées
psychopathes), nul n’est émotionnellement immunisé contre la
situation d’autrui ».
Là où Frans de Waal
me plaît vraiment, c’est quand il retourne ce fait biologique incontestable
contre la pensée dominante. Issue du darwinisme social de penseurs tels que le
philosophe anglais Herbert Spencer ou la romancière américaine Ayn Rand, cette
véritable idéologie, basée du reste sur une mauvaise interprétation de la
sélection naturelle de Darwin, prône et justifie la loi du plus fort. D’où le
culte des tenants de l’économie ultralibérale pour la « main invisible du
marché », celle qui, sous couvert de réguler les rapports entre les
hommes, fait (si je peux me permettre ce raccourci) les poches du travail pour
rémunérer le capital.
Inutile de dire que
nous, les végétariens et les véganes, n’avons qu’une empathie très limitée
envers ce système. J’ai interviewé sur mon blog des dizaines d’entrepreneurs
végétariens et véganes de différents pays et je ne crois pas m’avancer en
disant que pas un seul n’y adhère. A la
« main invisible », nous préférons en général une économie de la
« main tendue », un capitalisme au visage plus aimablement
simiesque qui reconnaît l’égoïsme, mais sans l’exalter, et privilégie l’être
sur l’avoir.
Selon de Waal, la
nature nous a dotés d’une sorte
« d’interrupteur empathique » que nous pouvons actionner à
volonté. Le laisser allumé en permanence nous conduirait à la folie, mais
l’éteindre dès que nous nous trouvons en porte-à-faux, comme le font les
mangeurs de viande qui disent aimer les animaux, n’est-ce pas la porte ouverte
à la schizophrénie (cette remarque est de moi, tout comme l’extrapolation de la
pensée de de Waal au végétarisme) ?
L’homo sapiens mâle de base, et je ne dis
pas cela pour flatter les femmes, est moins enclin à appuyer sur son
« interrupteur empathique ».
Dans nos sociétés, il est culturellement conditionné pour considérer l’empathie
envers les animaux destinés à la consommation comme un aveu de faiblesse, une
atteinte à sa virilité. Or le passage à une alimentation végétale est un
excellent moyen (et sans doute l’un des plus simples) de trouver ou d’aider les
autres à trouver cet « interrupteur ».
De ce point de vue,
le livre de De Waal, que je vous recommande, est un grand message d’espoir. « Il
est possible, écrit-il superbement, que nous ne soyons pas capables de créer un
homme nouveau, mais nous excellons à modifier l’ancien ». Défendre la
cause végétarienne est donc tout le contraire d’une perte de temps. Car, n’en
déplaise aux cyniques de tout poil, l’empathie
est bien là, prête à éclairer la vie de chacun d’entre nous en soustrayant aux
ténèbres celle de milliards d’animaux. Pour preuve, cette vidéo d’un éleveur
de porcs devenu végétarien du jour au lendemain !
Notes:
1) Les citations en français sont tirées de la version espagnole du livre de de Waal, La Edad de la Empatia. Il est donc possible qu'elles ne correspondent pas exactement à la version française.
2) L'Age de l'Empathie est, entre autres, disponible sur Amazon.fr
4 commentaires:
"L’homo sapiens mâle de base, et je ne dis pas cela pour flatter les femmes, est moins enclin à appuyer sur son « interrupteur empathique"
"l’empathie est « caractéristique de tous les mammifères et découle des soins maternels"
bonjour les stéréotypes !
Dans le deuxième cas, je dirais plutôt que c'est une évidence. Par ailleurs, Franz de Waal ne dit pas que les hommes aient moins d'empathie que les femmes, juste qu'il ont peut-être tendance à la bloquer davantage, étant entendu que les exceptions sont très nombreuses.
Une remarque, ou piste qui vous intéressera peut-être :
"...éteindre (l'interrupteur empathique) dès que nous nous trouvons en porte-à-faux, comme le font les mangeurs de viande qui disent aimer les animaux, n’est-ce pas la porte ouverte à la schizophrénie"
En réalité ce que nous faisons c'est que nous entrons en dissonance. ça s'appelle la "dissonance cognitive".
C'est l'état qui correspond à une situation dans laquelle notre acte ou notre inclination est en contradiction avec nos valeurs ou notre jugement.
Par exemple j'aime telle marque de chaussure de sport, puis je découvre qu'elle est fabriquée dans des conditions que je réprouve. que fais-je ensuite ?
La question de la viande est bien plus profonde et complexe à résoudre pour beaucoup d'entre nous, et le niveau de dissonance d'autant plus important. Ce qui explique peut-être et au moins en partie la violence des réactions dont on est trop souvent le témoin ou l'objet quand on aborde cette question.
Merci pour votre blog, que je découvre, bonne continuation !
Oui, ça me paraît très juste. Merci pour cet éclaircissement, car j'ignorais le terme de dissonante cognitive !
Enregistrer un commentaire