Jennifer Eric, à gauche, et Ombeline, une employée, devant la vitrine du nouveau restaurant. |
Le deuxième établissement de My Kitch’n ouvrira aux alentours du 12 septembre à Paris, au 82 rue Lemercier, dans le 17ème, à cent mètres du marché des Batignolles où est née cette enseigne. Entre deux coups de truelle, sa fondatrice, Jennifer Eric, a pris le temps de répondre à mes questions.
My
Kitch’n 1, puis 2, où t’arrêteras-tu ? Iras-tu, comme Rambo, jusqu’à une
cinquième ou sixième séquelle ?
Jennifer
Eric : La comparaison avec Rambo n’est pas
déplacée. Monter et diriger une
entreprise végane en France, surtout en tant que femme et qu’étrangère,
ressemble un peu à de la boxe thaï. Il faut sans cesse monter sur le ring
et accepter de prendre des coups. Heureusement, mes associés, qui sont les
mêmes que sur My Kitch’n 1, sont là, dans un coin, pour me soutenir. Ils
m’épaulent financièrement, oui, mais surtout moralement ! Ce sont des amis de
longue date, à la mentalité plus entreprenante qu’ici. Ils sont très motivés et
aiment vraiment ce que nous faisons.
Tu
as pas mal roulé ta bosse dans le monde de la restauration. Pourrais-tu nous
rappeler ton itinéraire ?
J.E :
Je suis Suédoise, mais j’ai déménagé à Los Angeles étant adolescente. A
dix-huit ans, je me suis rendue compte qu’être barmaid était beaucoup plus fun
que de sortir se saouler la gueule. De plus, au lieu de claquer de l’argent, je
rentrais à la maison avec la moitié de mon loyer rien qu’en pourboire ! A vingt
ans, j’ai eu un accident de ski très grave et j’ai donc dû arrêter ce métier que
j’adorais ! Ce qui ne m’a pas empêché de continuer à travailler dans le
monde de la restauration ou dans des lieux de vie nocturne haut de gamme,
puisque j’ai même été hôtesse d’accueil dans le super-club (un resto qui se
transforme en boîte de nuit après minuit) le plus branché de Hollywood. J’ai
aussi occupé des postes de marketing, de management et de relations publiques !
Certaines choses que j’ai apprises dans ce milieu de la restauration, comme rester
optimiste quoi qu’il arrive ou dénicher la vertu dans le vice, me sont encore
très utiles aujourd’hui.
Comment
est né le projet de My Kitch'n 2 ?
J.E : Depuis
le début, l’objectif était de faire
plusieurs restos. C’était même dans le business plan ! Dès la naissance de
My Kitch’n, au milieu du marché des Batignolles, j’ai donc cherché un autre
local. Mais il fallait quelque chose de très proche, car c’est toujours moi qui
cuisine et je dois par conséquent pouvoir voler d’un endroit à l’autre. Mon but est de me remplacer, mais comme je
suis un peu maniaque sur les petites touches en cuisine, ce n’est pas si simple.
Former du personnel prend du temps, surtout quand il faut cuisiner exactement
comme toi (ou mieux). Cependant, j’ai des apprenties très motivées !
Trouver le local a-t-il été difficile ? Quelle est sa déco ?
J.E :
C’est
une cliente du premier My Kitch’n qui m’a mise sur la piste. Comme elle est
prof de yoga juste en face, elle avait repéré que le resto qui occupait ce
petit espace de 30 m2 était fermé. J’ai donc été frapper à la porte des voisins
et… trois mois plus tard, j’avais les papiers signés et les clés en main !
La déco est une réplique du premier
appart de Los Angeles où j’ai vécu toute seule, comme une grande, qui se
caractérisait par son coloriage mural. Tous mes autres apparts ont du reste
subi le même traitement. Je ne peux pas vivre entre des murs blancs ; j’adore
des couleurs vibrantes et pleines de vie. Je suis très fidèle à quatre couleurs
; mes préférées, et j’aime le kitsch. Venir au My Kitch’n, est du reste un peu comme
venir chez moi, c’est l’idée centrale du concept.
Pour ceux qui ne connaissent pas, peux-tu nous rappeler quelle est l’essence de
My Kitch’n ?
J.E :
Oui My Kitch’n, c’est vraiment My Kitchen, ma cuisine ! On y mange ce que j’ai
envie de manger. Et je peux vous dire que parfois (voire souvent) on a du mal à
servir, car on a envie de tout manger nous-mêmes ! Toujours 100 % végane et
100% bio pour les fruits, légumes, légumineuses, etc. Pour le 2, j’ai embauché
un cuisinier d’une école de cuisine en Suède (un ancien stagiaire) et je vais
travailler la nouvelle carte avec lui. Je compte faire des choses faciles à
emporter pour le déjeuner et des soirées à thème, avec des menus différents
selon le jour de la semaine et mes envies du jour, comme d’hab. Il y aura aussi
des sandwiches veggies, car c’est quelque chose qui me manque beaucoup à Paris
! Trouver un bon sandwich veggie sans beurre ni mayonnaise ici est une vraie
galère. On fera aussi un brunch le dimanche. Pas un brunch standard, avec les
restes du frigo, mais quelque chose de très « fresh » au contraire.
Quelle
clientèle vises-tu et quel sera le ticket moyen ?
J.E :
Je vise le monde entier ! Pour ceux qui ne connaissent pas encore la
nourriture végétale, mon but est de les convaincre qu’il n’y a aucun sacrifice
gustatif. Je pense que la nourriture que je sers rend accro, dans le bon sens
du terme, car c’est tout simplement ce dont le corps a besoin ; notre ADN est
programmé pour. Mais pas besoin de rentrer dans la peau d’un ou d’une hippie
pour autant ! Cette fois ci, le cadre du resto est du reste très clean,
très beau. Véganes et végétariens seront
heureux de trouver un resto pour eux, sans les voisins carnivores du marché.
Quant au ticket moyen, il est difficile de répondre : sur My Kitchn’1,
j’étais parti sur 7,50 €, mais en réalité c’est plutôt le double,
car les gens veulent goûter à tout.
Au
plan personnel, que représente cette ouverture pour toi ?
J.E :
C’est
un pas supplémentaire vers le monde dans lequel j’espère pouvoir vivre et céder
à la génération suivante. La vie est la somme de nos choix ; je canalise ce que
j’ai appris sur mon chemin pour devenir la femme que je suis aujourd’hui dans
mon entreprise. C’est mon patrimoine, mon cadeau pour la planète. Je suis
toujours restée fidèle à mes convictions, même quand sur le plan personnel et
économique cela n’avait vraiment pas de sens. Je n’ai pas envie de mettre mes
compétences au profit des grosses sociétés sans scrupules. L’argent ne m’inspire pas ; c’est juste le moyen que j’utilise pour
créer ce que je veux. Et aujourd’hui, je fais exactement ce que je veux. Sauf
dormir, j’aimerais bien dormir un peu plus.
Qu’adviendra-t-il
de My Kitch’n 1 ? Restera-t-il ouvert ?
J.E :
Le
resto du marché est pour moi une belle vitrine pour ma mode et philosophie de
vie. Un showroom végane dans un environnement omnivore. On y brise beaucoup de
stéréotypes et, côté militant, je pense que je ne pourrai pas faire mieux. Des gens qui me prenaient pour une folle au
début sont devenus des clients fidèles et ils me disent souvent qu’ils
respectent de plus en plus ce que je fais, ou qu’ils commencent à cuisiner avec
plus des légumineuses ou à se préparer ce qu’ils appellent une salade Jennifer.
Tout cela me motive énormément ! Comme il n’y a pas de porte à franchir, les
gens peuvent facilement poser des questions et entamer un dialogue. Bref, il n’est
pas question de fermer My Kitch’n 1.
As-tu
quelques conseils pour ceux qui aimeraient suivre ta voie ?
J.E :
Bien
sûr ! Il faut savoir former, élaborer et expliquer ses idées ; tout doit
être très clair. Faire un business plan
et un plan de vie de sa société aide beaucoup aussi. Où souhaitez-vous être
dans deux, cinq ou dix ans ? Dream big
et placez la barre très haut ! Associez-vous à des gens aux compétences
complémentaires, mais pas identiques. Rappelez-vous par ailleurs que mieux vaut
être seul que mal entouré. Relativisez ce qu’on vous dit. Ceux qui répètent que
vous n’y arriverez pas, que votre idée est impossible, ne font qu’exprimer une
opinion ! Je n’ai pas peur de leur répondre : « Qui
êtes-vous de me critiquer ? Savez-vous ce que j’ai déjà accompli dans ma vie ?
» Que ce soit un banquier, l’administration, des comptables, des avocats, des parents, des amis, peu importe ;
il ne faut pas craindre les confrontations. Au début, tout le monde va vous
critiquer, y compris vos parents. Mes parents l’ont fait, m’accusant de jeter
mon éducation par la fenêtre. Les gens qui ont un métier précis vont vouloir
vous montrer qu’ils en savent plus que vous, ou vous remettre à votre « place » (les femmes me
comprendront). Ma réponse préférée à
tout ce charabia est très claire et leur
cloue généralement le bec : « avez-vous besoin de votre permis pour savoir
conduire une voiture ? ». Par contre, il faut bosser comme vous ne l’avez
jamais fait auparavant. Il y a une expression qui dit : « vous avez ce
qu'il faut, mais il va falloir tout ce que vous avez » ? Bah, c’est tout à fait
ça ! Croyez dans vos rêves et ne baissez pas les bras ! Jamais !
Notes :
Pour suivre toute l’actu de My Kitch’n 1 et 2, rendez
vous sur sa page Facebook, ici.
2 commentaires:
déco très sympa, je crains néanmoins l'énième resto végé-burger de la Capitale
bonne chance, tout de même - je vois tellement de restos fermer - c'est, en effet, une gageure
Michelle, je ne pense pas qu'elle soit positionnée sur le fast-food VG. Espérons en tout cas que ça marchera !
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