jeudi 3 octobre 2013

Daniel Biron ouvrira un restaurant vegan gourmet au Brésil

Daniel Biron a fait le choix courageux de privilégier l'éthique de vie sur la carrière.

Après plus d’un an passé aux fourneaux du Gentle Gourmet Café, à Paris, le chef carioca Daniel Biron s’apprête à retourner à Rio de Janeiro pour ouvrir le premier restaurant vegan gourmet de son pays. Il nous raconte son expérience et nous parle de ses projets.


Quel âge as-tu et comment es-tu devenu vegan ?

Daniel Biron: J’ai 36 ans et suis vegan depuis six ans après une première étape végétarienne de quatre ans. C’est la rencontre de militants vegan à Rio qui m’a d’abord poussé à fréquenter des réunions ou des congrès. En 2007, alors que j’habitais São Paulo, la capitale économique du pays, j’ai fait la rencontre de Nina Rosa, une défenseur de la cause animale très connue chez nous. Je me suis mis à lire des livres comme Libération Animale de Peter Singer ou Les Droits des Animaux, de Tom Regan. La revue des végétariens du Brésil (Revista dos Vegetarianos no Brasil) m’a aussi servi de source d’inspiration et d’information; les témoignages qu’elle publiait m’ont notamment aidé à faire la transition de l’ovo-lacto végétarisme vers le veganisme.  

Quelles sont les principales raisons qui t’ont poussé vers le veganisme ?

D.B: La protection des animaux, la santé et la spiritualité. Je pratique le yoga, ce qui n’a pas été sans influence dans mon choix. La lecture du livre Auto perfectionnement avec le Hatha Yoga (Autoperfeição com Hatha Yoga) du maître Hermógenes, pionnier du yoga au Brésil, m’a beaucoup influencé. Alors que j’étais ovo-lacto végétarien, j’ai cherché à approfondir mes connaissances au travers de livres, de vidéos et de discussions, ce qui a changé ma vision du monde. J’ai alors compris que les sous-produits animaux alimentaient un système esclavagiste et que, d’un point de vue éthique, cesser de manger de la viande tout en continuant à consommer ces sous-produits n’avait pas de sens.

Tu as alors renoncé à une carrière prometteuse de designer graphique pour apprendre la cuisine vegan ?  

D.B: Après mon séjour à São Paulo et de retour à Rio, en 2008, j’ai commencé à me questionner sérieusement sur mes valeurs, le rôle du travail et si je faisais réellement quelque chose qui me passionnait. Je voulais défendre la cause animale et mettre en pratique les concepts du veganisme, mais ne savais pas comment. Il me fallait à tout prix trouver une profession bonne pour autrui, pour les animaux, pour la planète et, bien sûr, pour ma conscience. Comme je m’intéressais déjà à la gastronomie, j’ai décidé de tout larguer en 2010 et de me rendre dans la Mecque de la cuisine vegan : New-York !

Un vrai saut dans le vide ?

D.B: Pas tout à fait, car j’avais déjà une idée derrière la tête. J’avais goûté à la cuisine vegan gourmet à New-York ou à Londres et savais que personne, au Brésil, ne proposait cela, une opportunité potentielle. Il fallait juste que je mette au point une offre culinaire capable de satisfaire les omnivores les plus enragés et débarrassée de tous les stéréotypes et de toutes les idées préconçues que les Brésiliens associent encore souvent à la cuisine végétarienne. Mais pour ça, il me fallait d’abord apprendre et, de préférence, dans l’un des meilleurs endroits au monde : le Natural Gourmet Institute à New-York.

Comment s’est déroulée ta formation de chef vegan aux Etats-Unis ?

D.B: Je suis resté deux ans à New-York, alternant des stages et travaillant sur le projet de livre du restaurant Candle 79. Cette ville est un paradis pour les vegan et le terme veganisme fait partie de la culture et de la vie quotidienne. Les cinémas proposent des biscuits vegan ; même dans les cafés non végétariens, il y a des desserts vegan, des laits végétaux et quantité d’autres produits. Les restaurants végétariens se comptent par centaines. En mai 2012, j’ai déménagé à Paris afin de devenir chef de cuisine du Gentle Gourmet Café, avec pour objectif de montrer que la cuisine traditionnelle française pouvait être tout aussi savoureuse sans viande, sans fromage et sans beurre.

Ton passage par le Gentle Gourmet Café à Paris a été une expérience positive ?

D.B: Exceptionnelle, mais pleine de défis. La restauration n’est jamais un métier facile et il fallait structurer le restaurant, mettre la cuisine en route, former une équipe, surmonter les difficultés de communication et l’incompréhension qui entourent parfois les nouveaux concepts de restauration. Au plan personnel, il s’agissait pour moi d’une nouvelle ville, d’un nouveau climat, d’une nouvelle langue, de nouveaux amis, le tout accompagné de la fameuse saudade brésilienne, le mal du pays. De plus, malheureusement, il faut dire qu’il existe en France une grande méconnaissance et parfois beaucoup d’a priori envers le végétarisme et la cuisine vegan. Même si des établissements comme le Gentle Gourmet Café et des initiatives telles que le Paris Vegan Day font bouger peu à peu les choses, bien sûr.

Quels sont tes projets maintenant ?

D.B: En 2014, je souhaite retourner au Brésil et ouvrir un restaurant vegan gourmet à Rio de Janeiro en m’appuyant sur mes expériences de designer et de chef de cuisine. Je veux montrer que la cuisine vegan est non seulement éthique, mais démocratique, et capable de satisfaire les palais les plus exigeants, qu’ils soient végétariens ou omnivores. D’autres idées me tiennent à cœur, comme la publication d’un livre de recettes et un projet socio-éducatif autour de la cuisine vegan à Rio. J’aimerais aussi donner des cours de cuisine et créer un blog professionnel. Mon souhait le plus cher est d’avoir le temps nécessaire pour mener tous ces projets à bien l’an prochain.

Comment définirais-tu ton style culinaire ? 

D.B: C’est un peu une colle, mais je me risquerais à dire que mon style est international et contemporain. Je m’inspire des aliments locaux, bio, de saison, de ce que je trouve au marché, en équilibrant les textures, les couleurs, les saveurs, la découpe et les différentes techniques de préparation et de cuisson. Etant Brésilien et ayant vécu à São Paulo, New-York et Paris tout en voyageant pas mal en Asie, je pense avoir un style éclectique et assez inspiré par l’Orient. J’adore faire des risottos ou d’autres plats salés, mais dois avouer que ma spécialité la plus connue est aujourd’hui le gâteau au chocolat.

Quels seraient tes conseils à une personne désireuse d’ouvrir un restaurant vegan ?

D.B: Pour se lancer, une bonne philosophie ou de bonnes intentions sont loin d’être suffisantes. Il faut avoir un business plan bien fait et définir clairement le concept, l’ambiance, le style gastronomique, les objectifs et le public visé. Travailler la marque et avoir une approche marketing sont essentiels à la survie de n’importe quelle affaire dans le monde actuel. Par ailleurs, je crois qu’il est fondamental de briser les stéréotypes associés à la cuisine vegan pour toucher un public plus large. Au Brésil, en général, les restaurants végétariens n’innovent pas, n’ont pas d’ambiance, pas de service, n’investissent pas dans le service et insistent lourdement sur le fait qu’ils sont végétariens. Ce n’est pas la bonne approche. Les restaurants sont des lieux où nous vivons des expériences et exprimons nos habitudes culturelles ; on ne les fréquent pas seulement pour manger. La façon dont nous présentons la cuisine vegan influence la perception du public. Saveur, ambiance et présentation sont des facteurs vitaux dans cette équation afin que le client apprécie et revienne. Le tout, bien entendu, avec une nourriture et un service exceptionnels.

Le végétarisme et le veganisme progressent-ils au Brésil ?

D.B: Sans aucun doute. Bien sûr, nous venons d’une culture de la viande et des produits laitiers, ce qui ne facilite pas les choses. Mais on parle de plus en plus du végétarisme dans les médias, à la table des restaurants et même dans les consultations des diététiciens. Le fait que certains people aient adopté ce style de vie, comme aux Etats-Unis, joue aussi un grand rôle. Il apparaît sans cesse de nouvelles boutiques et de nouveaux restaurants. Le dernier congrès végétarien, le Vegfest, organisé par la société végétarienne du Brésil (Sociedade Vegetariana Brasileira) fin septembre a rencontré un grand succès, dénotant un regain d’intérêt de la part du grand public. Je suis donc très optimiste pour le futur.  

Note: pour consulter la page Facebook de Daniel, cliquer ici.

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