Si le marché est un gâteau, cette illustration de Yara montre bien que les businessmen omnis et les entrepreneurs vegan n'ont pas la même approche sur la façon de le partager. |
Devant
le scandale de la viande de cheval, les végétariens pleurent d’un œil et
sourient de l’autre. Heureusement, les
entrepreneurs vegan que j’interviewe
pour mon blog sont aux antipodes de ces procédés pour le moins indélicats.
Sans ces pauvres chevaux roumains transformés en
lasagne ou en hachis Parmentier, le scandale de la viande de cheval prêterait
presque à sourire. En effet, les
omnivores semblent tomber du ciel alors que les produits à base de viande sont parmi
les plus faciles à manipuler et que les industriels de l’agroalimentaire ou
de la restauration ne s’en sont jamais privés : merguez à la viande de
porc (et non pas avec du bœuf et du mouton, conformément à la vraie
recette), bacon remplacé par de la poitrine de porc (moins chère) dans les
hamburgers, cuisses de poulet frites comportant une grande quantité de « minerai »
(gras, collagène, tendons et viscères) dans une enseigne de fast-food venue du
sud profond, les exemples sont innombrables.
En
choisissant ce moment pour annoncer la levée de l’interdiction des farines
animales dans les élevages de poissons (interdiction en vigueur depuis 2001,
suite à la crise de la vache folle), l’Union Européenne apporte sa cerise empoisonnée
sur le gâteau. Le végétarien de base, tel que moi, s’en
frotte les yeux. Rêve-t-il éveillé ou assiste-t-il bel et bien au suicide
programmé d’une industrie tellement éloignée de toute compassion et de toute
humanité qu’elle en a perdu l’usage de la raison ?
Cependant, y
compris quand ils se tirent tout seuls une balle dans le pied, les industriels
de la viande ne peuvent s’empêcher d’accuser les végétariens de charger le
barillet. Pour preuve, ces propos de
Xavier Beulin, président de la FNSEA (la Fédération Nationale des
syndicats d’exploitants agricoles) dans l’émission C dans l’air, d’Eric Calvi,
le 14 février : « Je me méfie aussi des campagnes provocatrices d’un
certain nombre d’associations qui agissent pour éliminer définitivement la
viande de notre alimentation ». Bref, encore un coup des petits hommes
verts descendus du ciel dans leurs assiettes volantes pour discréditer la
filière ! En vérité, la chair d’un cheval
roumain valant un tiers de celle d’un bœuf, ce n’est qu’une affaire de gros sous, partant d’éthique.
Sans préjuger des résultats de l’enquête de la
DGCCRF, que voit-on là sinon les
conséquences d’un capitalisme de la tromperie où faire prendre les vessies pour
des lanternes et de l’aggloméré de cheval pour du hachis de bœuf passe presque
pour une faute mineure, en l’absence de conséquences pour la santé publique ?
L’un des axiomes du néolibéralisme consistant à créer des problèmes pour proposer
ensuite des solutions monnayables, cette crise de l’éthique (dont celle-ci n’est
qu’une variante parmi d’autres) se traduit par la prolifération de chaires d’éthique
dans les écoles de commerce. Comme si l’éthique s’apprenait dans un code et ne correspondait
pas, avant tout, à une sensibilité !
De ce point de vue, les entrepreneurs
vegan que j’interviewe pour mon blog paraissent mieux armés que les diplômés de
Harvard ou de HEC. Quand ils admirent un
cheval, ils voient « la plus belle conquête de l’homme* », pas une
barquette de moussaka surgelée chez Picus ! Ils disent agir par conviction et ne
craignent pas la concurrence ; au contraire, ils l’appellent de leurs vœux afin de faire progresser la cause qu’ils défendent. Conviction, cause… D’aucuns jugeront
cela naïf. Pourtant, si ces entrepreneurs d'un nouveau genre pouvaient
être les précurseurs d’une nouvelle façon d’envisager le capitalisme, les consommateurs et les chevaux ne
s’en porteraient que mieux.
* l'expression est de Buffon.
2 commentaires:
Je me demande si là encore les gens auront la mémoire courte comme après la vache folle et autres scandales de ce genre...
Oui, Ana, l'interview que je publie aujourd'hui du sociologue Eric Birlouez semble indiquer, hélas, que les gens auront la mémoire courte :(
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