mardi 19 février 2013

Une fièvre de cheval qui fait du bien aux vegan

Si le marché est un gâteau, cette illustration de Yara montre bien que les businessmen omnis et les entrepreneurs vegan n'ont pas la même approche sur la façon de le partager.

Devant le scandale de la viande de cheval, les végétariens pleurent d’un œil et sourient de l’autre. Heureusement, les
entrepreneurs vegan que j’interviewe pour mon blog sont aux antipodes de ces procédés pour le moins indélicats.
   
Sans ces pauvres chevaux roumains transformés en lasagne ou en hachis Parmentier, le scandale de la viande de cheval prêterait presque à sourire. En effet, les omnivores semblent tomber du ciel alors que les produits à base de viande sont parmi les plus faciles à manipuler et que les industriels de l’agroalimentaire ou de la restauration ne s’en sont jamais privés : merguez à la viande de porc (et non pas avec du bœuf et du mouton, conformément à la vraie recette), bacon remplacé par de la poitrine de porc (moins chère) dans les hamburgers, cuisses de poulet frites comportant une grande quantité de « minerai » (gras, collagène, tendons et viscères) dans une enseigne de fast-food venue du sud profond, les exemples sont innombrables.

En choisissant ce moment pour annoncer la levée de l’interdiction des farines animales dans les élevages de poissons (interdiction en vigueur depuis 2001, suite à la crise de la vache folle), l’Union Européenne apporte sa cerise empoisonnée sur le gâteau. Le végétarien de base, tel que moi, s’en frotte les yeux. Rêve-t-il éveillé ou assiste-t-il bel et bien au suicide programmé d’une industrie tellement éloignée de toute compassion et de toute humanité qu’elle en a perdu l’usage de la raison ?  

Cependant, y compris quand ils se tirent tout seuls une balle dans le pied, les industriels de la viande ne peuvent s’empêcher d’accuser les végétariens de charger le barillet. Pour preuve, ces propos de  Xavier Beulin, président de la FNSEA (la Fédération Nationale des syndicats d’exploitants agricoles) dans l’émission C dans l’air, d’Eric Calvi, le 14 février : « Je me méfie aussi des campagnes provocatrices d’un certain nombre d’associations qui agissent pour éliminer définitivement la viande de notre alimentation ». Bref, encore un coup des petits hommes verts descendus du ciel dans leurs assiettes volantes pour discréditer la filière ! En vérité, la chair d’un cheval roumain valant un tiers de celle d’un bœuf, ce n’est qu’une affaire de gros sous, partant d’éthique.

Sans préjuger des résultats de l’enquête de la DGCCRF, que voit-on là sinon les conséquences d’un capitalisme de la tromperie où faire prendre les vessies pour des lanternes et de l’aggloméré de cheval pour du hachis de bœuf passe presque pour une faute mineure, en l’absence de conséquences pour la santé publique ? L’un des axiomes du néolibéralisme consistant à créer des problèmes pour proposer ensuite des solutions monnayables, cette crise de l’éthique (dont celle-ci n’est qu’une variante parmi d’autres) se traduit par la prolifération de chaires d’éthique dans les écoles de commerce. Comme si l’éthique s’apprenait dans un code et ne correspondait pas, avant tout, à une sensibilité ! 

De ce point de vue, les entrepreneurs vegan que j’interviewe pour mon blog paraissent mieux armés que les diplômés de Harvard ou de HEC. Quand ils admirent un cheval, ils voient « la plus belle conquête de l’homme* », pas une barquette de moussaka surgelée chez Picus ! Ils disent agir par conviction et ne craignent pas la concurrence ; au contraire, ils l’appellent de leurs vœux afin de faire progresser la cause qu’ils défendent. Conviction, cause… D’aucuns jugeront cela naïf. Pourtant, si ces entrepreneurs d'un nouveau genre pouvaient être les précurseurs d’une nouvelle façon d’envisager le capitalisme, les consommateurs et les chevaux ne s’en porteraient que mieux. 

* l'expression est de Buffon.

2 commentaires:

Ana a dit…

Je me demande si là encore les gens auront la mémoire courte comme après la vache folle et autres scandales de ce genre...

vegeshopper a dit…

Oui, Ana, l'interview que je publie aujourd'hui du sociologue Eric Birlouez semble indiquer, hélas, que les gens auront la mémoire courte :(

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